Vous êtes encore jeune…

Charlus au narrateur :

« Vous êtes encore jeune, vous devriez en profiter pour apprendre deux choses : la première c’est de vous abstenir d’exprimer des sentiments trop naturels pour n’être pas sous-entendus ; la seconde c’est de ne pas partir en guerre pour répondre aux choses qu’on vous dit avant d’avoir pénétré leur signification.

Si vous aviez pris cette précaution, il y a un instant, vous vous seriez évité d’avoir l’air de parler à tort et à travers comme un sourd et d’ajouter par là un second ridicule à celui d’avoir des ancres brodées sur votre costume de bain. »

Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs

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10 commentaires pour Vous êtes encore jeune…

  1. Hubert dit :

    Il me semble que la première version disait : Charlus à Marcel, le narrateur ne s’appelle t il pas Marcel dans la Recherche ?

  2. Mais non, le narrateur n’a ni prénom, ni nom. C’est seulement dans l’un des derniers volumes qu’apparaît le prénom Marcel pour désigner le narrateur, ceci parce que Proust n’avait pas pu corriger le manuscrit avant sa mort. On a pieusement conservé l’évocation là où certainement l’auteur l’eût fait disparaître.

    • Hubert dit :

      Je préfère rester fidèle au texte, à la lettre, plutôt que de m’appuyer sur de vagues hypothèses de ce qu’eut fait le narrateur s’il n’était pas mort (avec des si…) et dans ce cas précis, il me semble bien que le nom de Marcel figure en toutes lettres dans l’oeuvre pour désigner le narrateur.
      Sans tomber dans l’abus d’interprétation autobiographique, puique, comme disait Proust, on peut tout dire à condition de ne par dire « je », on peut légitimement appeler le narrateur Marcel.

  3. En l’occurrence, cher Hubert, vous mélangez plusieurs choses. D’abord, où avez-vous vu que le narrateur était mort ? Ensuite, le prénom de Marcel ne figure nulle part dans l’œuvre précise qui est en cause, savoir « À l’ombre des jeunes filles en fleur ». Si comme le prétendent certains spécialistes il y a multiplicité de narrateurs, c’est au moins une grave erreur de prétendre que celui de ce volume se prénomme Marcel. J’ai dit.

  4. Hubert dit :

    En effet je voulais dire l’auteur, il fallait lire : de vagues hypothèses de ce qu’eut fait l’auteur s’il n’était pas mort… Cela va de soi.
    Mais je ne pense pas qu’il faille séparer le volume « À l’ombre des jeunes filles en fleur » du reste de l’oeuvre que constitue la Recherche, il n’y a pas, que je sache, plusieurs narrateurs, notamment parce que Proust a entremêlé l’écriture du premier et du dernier volume. Le narrateur du début est le même que celui de la fin de la Recherche : Marcel !

  5. Puisque vous êtes têtu, Monsieur, voici exactement ce qu’en dit Proust (dans « La Prisonnière ») :
    « Dès qu’elle retrouvait la parole elle disait: «Mon» ou « Mon chéri » suivis l’un ou l’autre de mon nom de baptême, ce qui, en donnant au narrateur le même nom qu’à l’auteur de ce livre, eût fait : « Mon Marcel », « Mon chéri Marcel ». »

    Comme vous le constatez, tout cela est au conditionnel, dans l’hypothèse où on donnerait le prénom de l’auteur du livre au narrateur. En aucun cas, donc, il ne s’agit du véritable prénom du narrateur.

  6. Hubert dit :

    Vous oubliez, dans la précipitation, cette lettre dans La Prisonnière : « Mon chéri et cher Marcel, j’arrive moins vite que ce cycliste dont je voudrais bien prendre la bécane pour être plus tôt près de vous. Comment pouvez-vous croire que je puisse être fâchée et que quelque chose puisse m’amuser autant que d’être avec vous ! ce sera gentil de sortir tous les deux, ce serait encore plus gentil de ne jamais sortir que tous les deux. Quelles idées vous faites-vous donc ? Quel Marcel ! Quel Marcel ! Toute à vous, ton Albertine. »

  7. Figurez-vous qu’il est indiqué en note (folio p. 420) que l’addition des mentions du prénom Marcel furent tardives et toutes subordonnées à la restriction apportée lors de la première apparition dudit prénom (citation donnée ci-dessus). Autrement dit, en aucun cas l’auteur n’a voulu laisser croire que le prénom Marcel était bien celui du narrateur. J’en veux pour preuve qu’il ne répétera le prénom nulle part ailleurs que dans les deux passages ci-dessus cités et dûment restreints par le conditionnel. J’en veux également pour preuve qu’aucun commentateur sérieux, ce dont apparemment vous ne faites pas partie, ne parle du narrateur en disant Marcel. À bon entendeur, salut.

  8. Hubert dit :

    Mais je vois que nous sommes d’accord : il n’est pas question de « laisser croire », l’auteur passe explicitement un pacte avec son lecteur, je cite : « en donnant au narrateur le même nom qu’à l’auteur ». C’est transparent !

    À bon entendeur…

  9. Vous vous en tirez avec une pirouette bien piteuse Hubert !
    L’avenir jugera.

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